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Le Monde du Sud// Elsie news

Le Monde du Sud// Elsie news

Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


A propos de "Art et culture : populisme et bonne conscience" de M. L.Trouillot

Publié par Elsie HAAS sur 21 Juin 2010, 09:10am

Catégories : #AU MATIN DE BOULOS

Ce texte je l'ai écrit en 2007. Je notais qu'au train où allait le révisionisme dans les milieux de l'extrême droite haïtienne, on pourrait s'attendre à ce que : " il arrivera un moment où, pour eux,  parler de l’esclavage deviendra également un «  archaisme » et de « repentance » du populisme.

Bingo !

Je ne m'étais pas trompée.

Ne parlent-t-ils pas actuellement, en 2010, trois ans plus tard, des bienfaits de l'esclavage ?

Mezanmi, il est important d'analyser les productions littéraires, cinématographiques, culturelles des zentellectuels. A travers le discours que véhiculent leurs productions, il est possible d'entrevoir les politiques socio/économiques qui seront imposées à la population par l'international et leurs alliés locaux.

 

Dans un article datant du 4 octobre 2007, « Art et culture : populisme et bonne conscience », M. Lyonel Trouillot, pape du Collectif Non, qui a goût à distribuer de bons et mauvais  coups, pardon points, en cela en parfait mimétisme avec l’idéologie des néocons qui sévit actuellement en France, s’en prend à ce qu’il décrit comme :

 « une attitude populiste qui, si elle part peut-être d’un bon naturel, entraîne des comportements frôlant le ridicule et reproduisant, en fin de compte, les préjugés qu’on entendait combattre. »

 

Attitude que, il va s’en dire, il prête aux petits bourgeois progressistes et aux coopérants. L’entrée en matière par laquelle l’auteur semble vouloir se dédouaner de tout penchant réactionnaire:

« La puissance des mécanismes d’exclusion, le mépris dont les couches populaires ont été et sont encore victimes ont de quoi révolter les consciences. »

laisse augurer de la suite. A savoir une attaque en règle contre les milieux dits progressistes, selon sa terminologie.

 

En effet, que veut dire « La puissance des mécanismes d’exclusion » ?

C'est beau, c'est lisse,  ça glisse, ça ne laisse pas de traces. Mais à quoi et à qui est-ce que ça fait référence ?

A une sorte de Dieu, invisible et tout puissant ?

Celui du marché ?

  Lyonel  Trouillot semble oublier que le duvaliérisme, les 29 ans de dictature, ont été 29 ans d’oppression des classes populaires, à la fois dans leur développement économique, intellectuel et culturel. Il  tente de nous faire accroire que les « progressistes » ont «eu comme un étonnement, un émerveillement paresseux devant le « peuple », le « populaire », comme s’il existait un état du populaire qui demandait à être sacralisé. »

Tout d’abord, rappelons à M. L.Trouillot que, bien avant ce qu’il qualifie d ' « émerveillement paresseux »,
un certain Price Mars s’était attelé -sans paresse aucune- à  la reconnaissance et à la revalorisation de la culture populaire niée et méprisée par des décennies de bovarysme, c’est-à-dire d’imitation caricaturale de la culture française.

Par la suite, un mouvement  de  reconquête  de l’ espace  culturel propre au peuple haïtien a vu le jour et s’est fait remarquer par, entre autres, des écrivains de grand talent tels que J Roumain et  J-S Alexis pour ne citer que les plus connus.

Ce mouvement a été récupéré, perverti par Duvalier François, ses admirateurs et  toute la bande des   zentellectuels et pseudo ethnologues qui, depuis 1957, en ont fait leur fond de commerce à base d'histoires de zombis, de têtes coupées et autres récits qui plaisent  tant aux maisons d'édition occidentales.

 M.  L. Trouillot semble ne pas se rappeler que, lui-même ainsi que  beaucoup de ses collègues zentellectuels  ont puisé largement  -d’aucuns diront avec plus de délicatesse, se sont inspirés- dans cette culture populaire  pour fabriquer leurs romans, -d’aucuns diront avec plus de délicatesse, pour nourrir leur prose-.

 

Les anecdotes racontées et utilisées par M. L.Trouillot, procédé dont il aime à se servir  pour faire plus vrai que vrai : "Des anecdotes, on pourrait d’ailleurs en citer des centaines "

 renvoient à ce qu’il  s’applique à dénoncer :
« … tel organisme qui ne comprend pas que « le peuple » a besoin de chaises pour s’asseoir, pour écouter et regarder un spectacle ; tel admirateur de tap tap, émerveillé par un « peuple d’artistes ». (taclage de Malraux).

Ce zen-systeme qui  assomme une généralité à partir de quelques expériences personnelles relève précisément de ce qu’on pourrait qualifier de « populiste », en jouant sur l’affect.
Quel organisme ?
Quel admirateur de tap-tap ?
Il serait instructif que l’auteur nous en dise plus sur qui a dit, qui a fait quoi , dans quel contexte, dans quelles circonstances, animé de quel but, etc.
Mais le zen-système se plaît dans  l’opacité, le brouillard esthétique, l’impressionnisme, l'invective et recourt rarement à des études, des analyses, des recherches, des faits  et des chiffres qui auraient l'indécence de renvoyer à une réalité.

Par ailleurs, il se pourrait que  "tel organisme"  soit, par exemple,  de culture japonaise, asiatique, africaine ou orientale pour que l'utilisation de  chaises  " pour s'asseoir,
pour écouter et regarder un spectacle" lui semble une hérésie.
Le non usage de chaises, à l'inverse de ce que semble croire M. Trouillot, n'est pas  en soit un signe de barbarie, ni son utilisation un signe d'appartenace à la civilisation.
 
Quand, en 1986, la chape de plomb qui recouvrait le peuple haïtien s’est soulevée, tous les secteurs, en dehors de celui (toujours extrêmement vivace) des militaro-macoutes-duvaliéristes, n’ont eu qu’une envie naturellement, celle de dialoguer et d'échanger  avec les 90% de la population marginalisée.

Quoi de plus normal dans ces circonstances, particulières que l’émerveillement -oui, oui on sent la basse attaque contre J-S Alexis et son
« réalisme merveilleux »- l’enthousiasme, le désir de connaître et de comprendre cette majorité ignorée et stigmatisée.
 
Ce mouvement a d’ailleurs été stoppé net par le coup d’Etat de 1991. 
Soumis à de nombreuses et violentes  attaques, il est actuellement en veilleuse et pourrait se réactiver, d'où la charge de M. L.Trouillot, qui avec ses potes du Collectif NON, a pris pour cible les organisations populaires.

 

Le fait que la culture populaire ait  été récupérée entre temps,  à leurs propres profits, par des petits-bourgeois qui se sont fait un nom qui dans l’écriture, qui dans la peinture, qui au théâtre, qui dans l’artisanat, ne peut remettre en question la réalité d’une culture populaire haïtienne, riche de "tim tim, bwa sech".

 

Ni les conditions de transport dégradantes ne peuvent, non plus, interdire l’admiration pour les peintures de tap-tap parfois éblouissantes. L’intérêt des petits bourgeois pour la culture populaire est  non seulement assez récent, mais en général limité à la possibilité de l’exploiter financièrement. Il suffit de visualiser les programmes de chaînes de télévision privées et ceux de la TNH pour  noter son absence  sur les écrans.

 Si je dis que les femmes haïtiennes du peuple, bien qu’habillées de pèpè (vêtements d’occasion) sont belles, est-ce que je fais du populisme ?
Est-ce que, en ce faisant, j’approuve, je cautionne, le fait que des  grenn-nanbounda, des gens d'extrême droite fassent leur beurre de ce commerce ?
Il me semble que je dis autre chose qui est que,  malgré la condition indécente qui  leur est faite par les classes dominantes, les femmes haïtiennes, s'accrochent à leur image et  refusent d'être déshumanisées.
 
  Le procès du « populisme » terme à la mode, ici en France et jaquotisé  à mort en Haïti,  a pour but entre autres :
-de  diaboliser les « milieux dits progressistes »,
-de décridibiliser, en ridiculisant leur "bonne conscience" , le travail des petits bourgeois avec les milieux populaires. -d’empêcher  que se construisent des passerelles entre classes populaires et classes petites bourgeoises, grande frayeur des classes dominantes qui s'emploient à "domestiquer" les classes moyennes dont elles ont fait leurs "nègres de maisons", leurs "nègres à talents", leurs mercenaires.

 

« On n’écrit pas des poèmes en créole, mais de « bèl ti powèm » ; en éducation, on ne propose pas des textes à découvrir pour le plaisir de la lecture, mais sur des sujets liés exclusivement à l’environnement immédiat : dlo, pye bwa, sewòm oral… »
   Ce discours qui veut que le populisme soit une forme de mépris et de déconsidération du peuple, comme je l’ai dit et le répète est ultraprésent en France dans le milieu  néocon.
On peut  voir dans le récit de M. L. Trouillot,  un copié/ collé de ce que dit un Finkielkraut, ou un Pascal Bruckner contre le rap, le verlan (argot populaire qui consiste à mettre les mots à l'envers) mis selon eux sur le même « piédestal » qu’un Mozart ou un Littré. Pour eux, accorder de l'intérêt à ces expressions équivaudrait à mépriser le peuple.
 

 En quoi est-ce négatif de parler de l’environnement des gens ?

En France, où je suis allée à l’école, il existait des classes de nature dont le but était de nous faire découvrir les « dlo, pye bwa » .

Et aussi combien d’enfants haïtiens sont-ils capables de décrire les arbres, les plantes, la géographie physique de leur pays ?

« … on ne propose pas des textes à découvrir pour le plaisir de la lecture »  
Difficile de savoir si cette affirmation se base sur du concret. Parce qu'une des méthodes des zentellectuels haïtiens c'est d'avancer n'importe quoi, assurés qu'ils sont que personne n'ira vérifier,  ni n'osera remettre en question leurs propos.

 Quoi qu’il en soit,  si cela était vrai, rien n’empêche M. L. Trouillot, qui a été un personnage important au ministère de la Culture sous  M. Latortue : directeur de cabinet;  qui est parmi les  mieux considérés des écrivains haïtiens en France et en Navarre, qui est patron d'une université privée, l'université Caraïbes, de prendre son bâton de pèlerin -on n’obtient rien sans peine, n’est-ce pas !- pour initier au sein de l’éducation nationale un programme concocté par M. L. Trouillot en personne  comportant "
des textes à découvrir pour le plaisir de la lecture"

Le pire c'est que M. L.Trouillot revendique l'absurdité de ses propos par rapport à l'environnement. Dans un pays qui est une catastrophe écologique, reprocher trop de textes d'apprentissage de l'environnement  est bien une position de grenn-nanbounda, irresponsable, prétentieuse et réactionnaire.
D'autant plus dangereuse qu'elle vient d'un patron  d'université et éditeur de manuels scolaires.

Ca laisse songeur et dubitatif sur la qualité de l'enseignement et le contenu des livres de ces universités privées qui se sont déversées à partir de 1986 sur les grandes villes d'Haïti.

Quand les zentellectuels petits-bourgeois haïtiens se sentent obligés de recycler les modèles de pensée en vogue en Occident, modèles élaborés et mis en place en partie et grandement contre les  cultures et populations du Sud, il arrivera un moment où, pour eux,  parler de l’esclavage deviendra également un «  archaisme » et de « repentance » du populisme.
On n’en est pas loin.

Et pour terminer, à mon avis, il  paraît plus inoffensif  de s'émerveiller devant des taps-taps que de s'ébaudir devant  des"freedom fighters", non ?

 Enfin,  "chacun son truc" comme on dit, ici,  en terre civilisée, n'est-ce pas !.

   

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