Ce texte je l'ai écrit en 2007. Je notais qu'au train où allait le révisionisme dans les milieux de l'extrême droite haïtienne, on pourrait s'attendre à ce que : " il arrivera un moment où, pour eux, parler de l’esclavage deviendra également un « archaisme » et de « repentance » du populisme.
Bingo !
Je ne m'étais pas trompée.
Ne parlent-t-ils pas actuellement, en 2010, trois ans plus tard, des bienfaits de l'esclavage ?
Mezanmi, il est important d'analyser les productions littéraires, cinématographiques, culturelles des zentellectuels. A travers le discours que véhiculent leurs productions, il est possible d'entrevoir les politiques socio/économiques qui seront imposées à la population par l'international et leurs alliés locaux.
Dans un article datant du 4 octobre 2007, « Art et culture : populisme et bonne conscience », M. Lyonel Trouillot, pape du Collectif Non, qui a goût à distribuer de bons et mauvais coups, pardon points, en cela en parfait mimétisme avec l’idéologie des néocons qui sévit actuellement en France, s’en prend à ce qu’il décrit comme :
« une attitude populiste qui, si elle part peut-être d’un bon naturel, entraîne des comportements frôlant le ridicule et reproduisant, en fin de compte, les préjugés qu’on entendait combattre. »
Attitude que, il va s’en dire, il prête aux petits bourgeois progressistes et aux coopérants. L’entrée en matière par laquelle l’auteur semble vouloir se dédouaner de tout penchant réactionnaire:
« La puissance des mécanismes d’exclusion, le mépris dont les couches populaires ont été et sont encore victimes ont de quoi révolter les consciences. »
laisse augurer de la suite. A savoir une attaque en règle contre les milieux dits progressistes, selon sa terminologie.
En effet, que veut dire « La puissance des mécanismes d’exclusion » ?
C'est beau, c'est lisse, ça glisse, ça ne laisse pas de traces. Mais à quoi et à qui est-ce que ça fait référence ?
A une sorte de Dieu, invisible et tout puissant ?
Celui du marché ?
Tout d’abord, rappelons à M. L.Trouillot que, bien avant ce qu’il qualifie d ' « émerveillement paresseux »,
un certain Price Mars s’était attelé -sans paresse aucune- à la reconnaissance et à la revalorisation de la culture populaire niée et méprisée par des décennies de bovarysme, c’est-à-dire d’imitation caricaturale de la culture française.
Par la suite, un mouvement de reconquête de l’ espace culturel propre au peuple haïtien a vu le jour et s’est fait remarquer par, entre autres, des écrivains de grand talent tels que J Roumain et J-S Alexis pour ne citer que les plus connus.
Ce mouvement a été récupéré, perverti par Duvalier François, ses admirateurs et toute la bande des zentellectuels et pseudo ethnologues qui, depuis 1957, en ont fait leur fond de commerce à base d'histoires de zombis, de têtes coupées et autres récits qui plaisent tant aux maisons d'édition occidentales.
M. L. Trouillot semble ne pas se rappeler que, lui-même ainsi que beaucoup de ses collègues zentellectuels ont puisé largement -d’aucuns diront avec plus de délicatesse, se sont inspirés- dans cette culture populaire pour fabriquer leurs romans, -d’aucuns diront avec plus de délicatesse, pour nourrir leur prose-.
Les anecdotes racontées et utilisées par M. L.Trouillot, procédé dont il aime à se servir pour faire plus vrai que vrai : "Des anecdotes, on pourrait d’ailleurs en citer des centaines "
« … tel organisme qui ne comprend pas que « le peuple » a besoin de chaises pour s’asseoir, pour écouter et regarder un spectacle ; tel admirateur de tap tap, émerveillé par un « peuple d’artistes ». (taclage de Malraux).
Ce zen-systeme qui assomme une généralité à partir de quelques expériences personnelles relève précisément de ce qu’on pourrait qualifier de « populiste », en jouant sur l’affect.
Par ailleurs, il se pourrait que "tel organisme" soit, par exemple, de culture japonaise, asiatique, africaine ou orientale pour que l'utilisation de chaises " pour s'asseoir, pour écouter et regarder un spectacle" lui semble une hérésie.
Quoi de plus normal dans ces circonstances, particulières que l’émerveillement -oui, oui on sent la basse attaque contre J-S Alexis et son « réalisme merveilleux »- l’enthousiasme, le désir de connaître et de comprendre cette majorité ignorée et stigmatisée.
Ce mouvement a d’ailleurs été stoppé net par le coup d’Etat de 1991.
Le fait que la culture populaire ait été récupérée entre temps, à leurs propres profits, par des petits-bourgeois qui se sont fait un nom qui dans l’écriture, qui dans la peinture, qui au théâtre, qui dans l’artisanat, ne peut remettre en question la réalité d’une culture populaire haïtienne, riche de "tim tim, bwa sech".
Ni les conditions de transport dégradantes ne peuvent, non plus, interdire l’admiration pour les peintures de tap-tap parfois éblouissantes. L’intérêt des petits bourgeois pour la culture populaire est non seulement assez récent, mais en général limité à la possibilité de l’exploiter financièrement. Il suffit de visualiser les programmes de chaînes de télévision privées et ceux de la TNH pour noter son absence sur les écrans.
En quoi est-ce négatif de parler de l’environnement des gens ?
En France, où je suis allée à l’école, il existait des classes de nature dont le but était de nous faire découvrir les « dlo, pye bwa » .
Et aussi combien d’enfants haïtiens sont-ils capables de décrire les arbres, les plantes, la géographie physique de leur pays ?
Quoi qu’il en soit, si cela était vrai, rien n’empêche M. L. Trouillot, qui a été un personnage important au ministère de la Culture sous M. Latortue : directeur de cabinet; qui est parmi les mieux considérés des écrivains haïtiens en France et en Navarre, qui est patron d'une université privée, l'université Caraïbes, de prendre son bâton de pèlerin -on n’obtient rien sans peine, n’est-ce pas !- pour initier au sein de l’éducation nationale un programme concocté par M. L. Trouillot en personne comportant " des textes à découvrir pour le plaisir de la lecture"
Ca laisse songeur et dubitatif sur la qualité de l'enseignement et le contenu des livres de ces universités privées qui se sont déversées à partir de 1986 sur les grandes villes d'Haïti.
Quand les zentellectuels petits-bourgeois haïtiens se sentent obligés de recycler les modèles de pensée en vogue en Occident, modèles élaborés et mis en place en partie et grandement contre les cultures et populations du Sud, il arrivera un moment où, pour eux, parler de l’esclavage deviendra également un « archaisme » et de « repentance » du populisme.
Et pour terminer, à mon avis, il paraît plus inoffensif de s'émerveiller devant des taps-taps que de s'ébaudir devant des"freedom fighters", non ?
Enfin, "chacun son truc" comme on dit, ici, en terre civilisée, n'est-ce pas !.
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