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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Parlement européen. Proposition de résolution sur la situation en Haïti au nom du groupe The Left.

Publié par siel sur 20 Mai 2021, 19:37pm

Catégories : #INTERNATIONAL, #AYITI ACTUALITES, #PEUPLE sans mémoire..., #DUVALIER

Parlement européen. Proposition de résolution sur la situation en Haïti au nom du groupe The Left.

Parlement européen

2019-2024

 

Document de séance

 

B9‑0282/2021

18.5.2021

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

déposée avec demande d’inscription à l’ordre du jour d’un débat sur des cas de violation des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit

conformément à l’article 144 du règlement intérieur

sur la situation en Haïti

(2021/2694(RSP))

Marisa Matias

au nom du groupe The Left

 

 

B9‑0282/2021

Résolution du Parlement européen sur la situation en Haïti

(2021/2694(RSP))

Le Parlement européen,

  • Vu la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 et les Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques sociaux et culturels,

 

  • vu la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)

 

  • vu la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

 

  • vu l’article 3 de la Convention de Genève de 1949 et son protocole II, qui interdisent notamment les exécutions sommaires, les viols, les recrutements forcés et d’autres exactions,

 

  • vu la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, du 20 novembre 1989,

 

  • vu ses résolutions antérieures sur Haïti et notamment celles du 28 novembre 2019, 8 février 2018 et 19 janvier 2011

 

  • Vu l'article 144 de son règlement,

 

A.  considérant que ces dernières années, des mobilisations de grande ampleur ont eu lieu contre la vie chère, l’autoritarisme et la corruption dans le pays, mettant notamment en cause le président Jovenel Moïse ;

B.  considérant que le gouvernement a répondu à ces mouvements de masse par la répression ; considérant que le pays est en proie aux gangs armés, à la violence et à l’impunité généralisée ; considérant que la situation s’est encore largement dégradée ces deux dernières années ;

C.  considérant que depuis 2018, les ONGs de droits humains ont comptabilisé, en lien avec le développement de gangs armés, douze massacres, dont le plus meurtrier en novembre 2018, a fait 71 morts ;

D.  considérant que la répression se renforce, les enlèvements crapuleux ou politiques se multiplient, et que le gouvernement maintient en prison sans jugement tout opposant à son pouvoir, parmi lesquelles des agents de la Fonction publique qui refusent d'appliquer ses ordres ;

E.   considérant que l'insécurité s'est généralisée et affecte toutes les couches de la population ; considérant qu’en un an, selon l'ONU, le nombre d’enlèvements a doublé ; considérant qu’au cours des trois premiers mois de l’année 2021, 117 personnes ont été assassinées, et 142 enlevées ; considérant qu’il y aurait eu 91 cas d’enlèvements pour le seul mois d’avril 2021 ; considérant que les kidnappings s’accompagnent de violences et de viols systématiques envers les femmes ;

F.   considérant que depuis janvier 2020 le président gouverne par décrets quand le mandat des députés et sénateurs (à l’exception de 10 d’entre eux) est arrivé à son terme, faute d’avoir organisé des élections en 2019 ; considérant que depuis le 7 février 2021, le président Jovenel Moïse a passé outre la fin de son mandat constatée par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire; considérant qu’il entend rester à la tête de l’État un an de plus, le temps d’organiser un référendum le 27 juin 2021 et des élections présidentielles et législatives le 19 septembre 2021; considérant que ces actions, pourtant inconstitutionnelles ont été possible grâce au soutien actif des États-Unis et à la complicité ou à l’indifférence des chancelleries occidentales ;

G.  considérant que début février 2021, Jovenel Moïse, a arbitrairement mis à la retraite trois juges de la Cour de cassation, dont l’un a été arrêté et détenu pendant quelques jours dans des circonstances que le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a décrites comme « pouvant équivaloir à une arrestation et une détention illégales ou arbitraires. » ; considérant que le limogeage des trois juges constitue une violation de la Constitution haïtienne, qui stipule que les juges de la Cour de cassation ne peuvent faire l’objet d’une procédure de destitution que si la chambre des députés décide, par un vote à la majorité des deux tiers, de les accuser d’avoir abusé de leur autorité ; considérant que le président a également nommé trois nouveaux juges à la Cour de cassation sans suivre les procédures prévues par la Constitution.

H.  considérant que le 3 avril 2021 ( journée nationale du mouvement des femmes haïtiennes pour marquer la marche à laquelle 30 000 femmes avaient participé le 3 avril 1986), des centaines de femmes d'Haïti sont descendues dans la rue à l'occasion de la Journée nationale des droits des femmes, pour dire « Non à la dictature et à l’insécurité », non aux violences continuelles dont elles sont les cibles et « pour dénoncer le référendum et le soutien de la communauté internationale au président Jovenel Moïse » ; considérant que depuis le 7 février 2021 des mobilisations se multiplient pour dénoncer le maintien au pouvoir de Jovenel Moïse et contre la tenue du référendum/des élections ;

I.    considérant que les conditions pour la tenue d’élections transparentes et démocratiques ne sont pas réunies ; de par le caractère unilatéral et inconstitutionnel de leur convocation par Jovenel Moïse d’une part et part le fait que la situation d’insécurité généralisée avec le contrôle de quartiers entiers par les bandes armées, et l’instrumentalisation par le pouvoir des institutions et mécanismes électoraux d’autres part rend impossible tout exercice démocratique digne de ce nom ; considérant au contraire le risque d’attiser encore plus les tensions avec la tenue d’élections faites uniquement assurer un statu quo et maintenir au pouvoir une élite dont il est le représentant et ce malgré le rejet d’ une très grande partie de la population ;

J.   considérant les enjeux stratégiques et géopolitiques du maintien au pouvoir de Jovenel Moïse pour les puissances étasuniennes et occidentales ;

K.  considérant que Haïti reste le pays le plus pauvre du continent américain la 15ème nation la plus pauvre du monde avec un PIB par habitant de 697 dollars en 2021, considérant que le pays souffre de carences importantes dans les services essentiels ; considérant que l’espérance de vie est de 63,66 ans en 2018, considérant que le pays est placé au 170ème rang sur 185 dans l’Indice de Développement Humain (IDH) et affiche un Indice d’inégalité de genre (Iig) de 0.636, qui la place au 152e rang sur 162 pays dans l’indice 2019 ;  considérant que cette situation d'extrême pauvreté amplifie les effets dévastateurs des aléas naturels qui deviennent de plus en plus fréquents; considérant que  Haïti fait partie des  pays  les  plus  touchés  ces  20  dernières années par les aléas climatiques, selon Indice mondial des risques climatiques 2021 ; considérant qu’Haïti  est l’un des pays les plus inégalitaires de la planète, avec un coefficient de Gini de 59,2 en 2014;

L.   considérant que les deux tiers de la population haïtienne dépendent de l’agriculture, l’élevage et la pêche pour leur subsistances ; considérant que Haïti compte parmi les 16 pays au monde ayant de graves problèmes alimentaires, étant considéré par la FAO comme le seul pays en Amérique Latine et Caraïbes en situation d’insécurité alimentaire grave; considérant que le pays fait face depuis des décennies à des crises récurrentes liées à des chocs socio-politiques et sanitaires mais aussi des catastrophes naturelles et une crise économique ; considérant que ces crises répétitives ont graduellement détérioré la sécurité alimentaire du pays ; considérant qu’en 2020, la pandémie de COVID-19 a contribué à aggraver l’insécurité alimentaire en Haiti entrainant 42% (4,1 millions) de la population en situation de crise ou urgence alimentaire ;

M. considérant que le pays était autosuffisant d’un point de vu alimentaire dans les années 1980 mais qu’il est devenu l’un des tous premiers clients du riz étasunien, considérant que les riziculteurs haïtiens ont été ruinés par les importations de ce riz subventionnée et que la vente de cuisses de poulet en provenance des États-Unis a fortement affecté les producteurs locales de volailles ; considérant qu’après le séisme de 2010, Monsanto a fait don à Haïti de 475 tonnes de semences hybrides (stériles) de maïs dont les paysans ne peuvent pas utiliser la récolte comme semence ; considérant que ce projet de Monsanto á été supervisé par l’Agence des États-Unis pour le développement international USAID et que l’obligation d’utiliser des engrais et des produits phytosanitaires pour les cultiver et celle de racheter les semences chaque année, constitue une réelle menace contre la souveraineté alimentaire en Haïti ;  considérant que début février 2021, le gouvernement a exproprié par décret plusieurs milliers de paysans pour attribuer quelque 25.000 hectares de terres à un projet de zone franche d’agrobusiness ;

N.  considérant la précarité des droits économiques, sociaux et culturels de la plupart de la population comme la source principale de la situation critique des droits humains dans le pays, y compris des droits des enfants ; considérant que la détérioration de vie de la plupart de la population et le manque d’accès aux services de basse, accompagnée d’une hausse des inégalités, renforce la vulnérabilité des enfants et des jeunes qui constituent la majeure partie de la population haïtienne ; considérant que cette situation s’est encore aggravée ces deux dernières années ;

1.   S’alarme des violations constantes des droits humains en Haïti, de la mainmise de régions entières par des gangs armés et des allégations répétées de la complicité d’autorités publiques dans ces violences;

2.   condamne fermement la répression des manifestations pacifiques par les autorités haïtiennes, de même que le recours à la force létale, à la détention arbitraire, à l’intimidation, au harcèlement et à la violence sexuelle; demande instamment que les autorités haïtiennes renoncent immédiatement à l’usage de la force contre les manifestants pacifiques, et respectent le droit des peuples à manifester librement et pacifiquement;

3.   manifeste sa pleine solidarité et son soutien aux mouvements citoyens, syndicaux, politiques et à tous les secteurs de la société haïtienne en lutte pour les droits sociaux et fondamentaux, la justice sociale, les libertés et la démocratie en Haïti ;

4.   s’alarme des conditions dans lesquelles devront se tenir le prochain référendum et élections et souligne que l’exercice démocratique ne peut pas se faire dans un climat de violence, d’insécurité et de corruption généralisé ; souligne que ces élections sont perçues comme illégitimes par une large partie de la population ; s’inquiète dès lors des possible instrumentalisations de l’envoi d’une mission électorale de l’UE sur place ;

5.   Condamne très fermement toute ingérence politique de la part de puissances étrangères, au premier rang desquelles les États-Unis dans la vie du pays afin de maintenir à tout prix au pouvoir un gouvernement favorable à leurs intérêts géostratégiques et à ceux de leurs firmes;

6.   Souligne que l’UE, ses états membres et tout particulièrement la France, devraient œuvrer à une issue pacifique au conflit que traverse le pays depuis plus de trois ans maintenant en écoutant les voix des acteurs et actrices de la société civile haïtienne et en accompagnant un processus de transition mis en œuvre par les organisations sociales et de la société civile haïtienne ;

7.   souligne qu’Haïti a ratifié plusieurs traités relatifs aux droits humains – notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Convention américaine des droits de l’homme – lesquels l’obligent à garantir l’indépendance et l’impartialité de son système judiciaire ;

8.   Souligne qu’une priorité absolue pour l’exercice de la démocratie devrait être de mettre fin à l’impunité généralisée dans le pays ; soutient dans ce contexte le travail des organisations haïtiennes pour que les responsables des violations des droits humains, notamment concernant les massacres récurrents et la corruption (notamment le scandale de la dilapidation des fonds Petrocaribe en 2019), soient jugés de façon juste et équitable

9.   insiste face à la grave crise alimentaire, pour qu’une attention spécifique soit accordée à l’aide alimentaire d’urgence, en privilégiant en premier lieu l’achat d’aliments locaux afin que cette aide ne contribue pas à éliminer les paysannes et paysans du pays ; soutient l’accès des agricultrices et agriculteurs du pays au matériel agricole, aux semences non génétiquement modifiées et aux espèces et variétés adaptées au sol, au climat et à la culture alimentaire du pays, afin que le pays puisse redémarrer sa production agricole au plus vite  et garantir sa souveraineté alimentaire;

10. s’inquiète du fait que les aides versées au pays le soient dans la plus grande opacité ni aucun contrôle parlementaire ; exige l'ouverture d'une enquête sur la transparence et l'efficacité du réseau de distribution des aides; demande également un bilan des aides effectivement versées ainsi que sur leur impact dans le pays;

11. Appelle à l'annulation immédiate et définitive de toutes les dettes internationales d'Haïti et de ses mécanismes (notamment le service de la dette) envers les institutions financières internationales telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et la Banque interaméricaine de développement, mais aussi les principaux partenaires commerciaux d'Haïti comme les États-Unis et l'Union européenne; rappelle la dette coloniale s’élevant de 17 à 21 milliards de dollars qu'Haïti a dû payer pour obtenir son indépendance; appelle à un soutien international accru des anciennes puissances coloniales à Haïti.

12. Appelle d'urgence les autorités haïtiennes et la communauté internationale à soutenir les programmes visant à éliminer la pauvreté et à garantir la scolarisation et l'accès aux services sociaux, en particulier dans les régions reculées du pays;

13. Salue la solidarité internationale déployée pour aider Haïti d'abord et avant tout solidarité régionale avec, entre autres, Cuba et le Venezuela, qui ont dépêché des centaines de médecins, fourni une aide de base et construit des hôpitaux en Haïti et qui ont permis à Haïti de lutter contre l'analphabétisme;

14. Souligne le rôle de premier plan des Nations Unies dans la coordination de l’aide humanitaire internationale et insiste sur le fait que les autorités et le peuple haïtiens ont un rôle clé à jouer dans la mise en place de structures appropriées pour promouvoir la reconstruction du pays; souligne que les acteurs humanitaires ne doivent pas se substituer à l'État haïtien et qu'il est urgent d'agir enfin dans le développement à long terme, notamment pour l'accès aux soins de santé, à l'eau potable et à l'assainissement;

15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux États membres à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil des ministres ACP-UE, aux institutions du Cariforum, au gouvernement et au Parlement d’Haïti, ainsi qu’au secrétaire général des Nations unies.

 

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