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Le Monde du Sud// Elsie news

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Haïti, les Caraïbes, l'Amérique Latine et le reste du monde. Histoire, politique, agriculture, arts et lettres.


Le CPT et le PM Conille : une cohabitation conflictuelle ! -Par Sergo Alexis et Huguette Grenz

Publié par Sergo Alexis et Huguette Grenz sur 8 Juillet 2024, 20:48pm

Catégories : #AYITI ACTUALITES, #AYITI ROSE RAKET, #AYITI ECONOMIE, #PEUPLE sans mémoire..., #DUVALIER

Avant même sa désignation en tant que Premier ministre par le Conseil présidentiel de transition (CPT), des commentateurs préjugeaient que Gary Conille sera un nouveau Gérard Latortue prompt à satisfaire les desiderata de la communauté internationale. Certains indices semblaient vouloir confirmer ces craintes, mais malgré tout, les Haïtiens espéreraient une symbiose entre le PM et le CPT. D’autant plus que les différentes interventions de Conille dans les médias après sa nomination allaient dans le sens d’une politique consensuelle. Dans nos éditoriaux, nous avions soutenu cette démarche et même pensé que cette transition était l’occasion pour Haïti, divisé depuis l’assassinat de Dessalines, de se réconcilier avec lui-même.

Mais une fois que Conille a commencé à passer à l’action, les hypothèses du public contestataire se précisent. On a vu un PM faire preuve d’indifférence vis-à-vis du CPT, son supérieur hiérarchique, qui s’efface progressivement. De jour en jour, il dirige le pays vers une forme de cohabitation dans laquelle il tient sans partage le leadership du pouvoir exécutif. Dans une interview, Jean-Jules Désauguste, récemment encore journaliste-commentateur à Radio-Télévision Métropole, devenu porte-parole du Premier ministre, était invité par son ancien collègue Wendell Théodore, interrogé sur la visite de Conille au bureau du Conseil électoral, a déclaré que le Premier ministre avait rencontré les employés pour leur souligner que son gouvernement s'engage à transférer le pouvoir à un gouvernement élu le 7 février 2026, conformément à l'accord du 3 avril 2024.

Tentant de stigmatiser le CPT, il a avancé que « Parfois, on peut partager un même espace avec quelqu’un mais pas la même mission ni le même objectif ». Une façon d’insinuer que le CPT poursuivrait d’autres missions que l’organisation d’élections. Ce faisant, Désauguste semblait vouloir inverser le rôle car c’est quand même le CPT qui a donné la feuille de route au PM, dans laquelle il est question d’organiser entre autres tâches des élections.

Aux portes de la crise gouvernementale

Il est naturel qu'il puisse exister des tensions entre les politiciens, comme c'est souvent le cas dans le jeu politique. Cependant, les actions du chef du gouvernement montrent que cette dynamique dépasse simplement les habituelles luttes de pouvoir. Gary Conille ne semble pas diriger le gouvernement dans la direction désirée par la majorité de la population. Il paraît plutôt le conduire selon ses propres choix, possiblement influencé par une main invisible, ce qui pourrait polariser le pays en créant un affrontement au sein de l'Exécutif.

En effet, lors d'une interview avec Rhinews, Daniel Foote, ancien envoyé spécial des États-Unis pour Haïti, a déclaré que le choix de Gary Conille par le CPT était une mise en scène orchestrée par les États-Unis à travers  la Caricom. Cette cohabitation déséquilibrée risque de déclencher une profonde crise politique, jusque-là contenue grâce à l'attitude bienveillante de quelques conseillers au sein du CPT.

Avant la formation du gouvernement, Conille a exigé et obtenu quatre ministères régaliens dont celui de l’Economie qui devait être sous le contrôle du conseiller Fritz Jean, lui-même économiste et ancien gouverneur de la Banque Centrale. On avait appris que celui-ci est le seul conseiller qui n’a pas envoyé de ministre au gouvernement. Est-ce pour manifester son désaccord avec le PM sur la formation du gouvernement ? Allez savoir…

Une autre critique dirigée contre Conille concerne sa décision de nommer son propre avocat ministre de la Justice. Certains Haïtiens dénoncent cela comme un cas flagrant de conflit d'intérêts. Ils se demandent si cette nomination vise à entraver les investigations sur deux affaires majeures : la mauvaise gestion des fonds PetroCaribe et ceux de la reconstruction post-séisme, dans lesquelles Conille a joué un rôle en tant que chef de cabinet de Bill Clinton et Premier ministre sous Michel Martelly (de septembre 2011 à mai 2012). Certains vont jusqu’à penser que cette nomination pourrait avoir pour but (non avoué) de protéger les intérêts des financiers nationaux et internationaux impliqués dans le détournement de ces fonds.

Il est aussi reproché à Conille d'avoir nommé Nesmy Manigat comme chef de son cabinet malgré les accusations publiques selon lesquelles Manigat aurait été complice de la dilapidation du Fonds national de l’éducation (FNE). Conille prétend lutter contre la corruption, mais cette nomination suscite des questions : s'agit-il d'une décision personnelle fondée sur une amitié avec Manigat ? Ou d'une recommandation émanant d'influences invisibles ? Malgré les critiques persistantes à ce sujet, Conille n'a toujours pas fourni d'explication concernant ces accusations.

À la suite du départ « soudain » de Garry Conille pour les États-Unis, des médias haïtiens ont rapporté des tensions entre les deux instances de l’Exécutif, soutenant que le CPT n'aurait pas été informé de ce déplacement. Cependant, Désauguste a réfuté cette assertion, affirmant que le Premier ministre entretient de bonnes relations avec les membres du CPT et qu'il avait informé par écrit « des conseillers » (sic) de son projet de voyage. Néanmoins, on est en droit de demander pourquoi une décision aussi importante n'a-t-elle pas été débattue lors d'un conseil des ministres avec l'ensemble des conseillers présidentiels ? Où sont donc les bonnes relations entre la présidence et la primature mentionnées par le porte-parole ?

Colmater les brèches

Cette mésentente aurait pu être évitée si les responsabilités définies par l’Accord du 3 avril 2024 avaient été respectées dans l’esprit de la Constitution. D’ailleurs, selon l’article 156, le Premier ministre est chargé de gouverner et de diriger la politique nationale, tandis que l’article 139 précise que le président de la République est responsable de la négociation et de la signature des traités, conventions et accords internationaux. Par conséquent, il n'incombait pas d’abord au Premier ministre d'effectuer ce premier voyage à l’étranger, potentiellement aboutissant à d’éventuels contrats commerciaux. Cette responsabilité revenait à Edgard Leblanc Fils, actuel chef de l'Exécutif dans le cadre de la présidence tournante. Pour donner une bonne image du gouvernement, l’idéal aurait été que ce voyage à l’étranger se fasse avec les deux têtes de l’Exécutif de manière courtoise et unitaire !

Il est opportun, pour le pays, que le PM et le CPT travaillent en harmonie afin d'éviter toutes susceptibilités inutiles. Chaque partie doit effectuer son travail, mais de manière coordonnée. Tout le défi maintenant est de maintenir la cohabitation, contre vents et marées pour éviter des pertes de temps, d’énergie et de ressources. Sans oublier que c’est, encore une fois le pauvre petit peuple qui est la première victime ; l’éternelle majorité silencieuse qui est toujours oubliée alors qu’elle porte le pays sur le dos.

Ce qui nous importe en fin de compte, même si la hiérarchie des responsabilités n’a pas été respectée, c'est le contenu substantiel des actions entreprises lors de ce voyage officiel et leur impact concret sur la vie des citoyens qui ont le droit de savoir quels sont les projets de leurs représentants concernant le présent et l'avenir du pays. C'est le minimum requis pour une gouvernance responsable. La moindre des choses !

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